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EFT - Un statut ambivalent ou polyvalent ?

La pratique de l'EFT sous-tend la question de la limite entre ce qui relève d'un fonctionnement normal et anormal au niveau du corps et de l'esprit. L'exercice illégale de la médecine à trait à tout intervention portant sur la maladie en-tant-que fonctionnement considéré comme étant anormal. Or, cette limite bouge d'une époque à l'autre en fonction des jugements, des techniques et même des intérêts économiques. 



Par exemple, il n'y a pas si longtemps que cela l'homosexualité était encore considérée comme une maladie mentale par le DSM.  Dans le même temps le nombre de troubles mentaux répetoriés dans le même DSM n'a pas cessé de croître au fil des ans. Assite-t-on véritabelement à un développement de nouvelles maladies mentales ou simplement au développement d'une manière de décrire la condition humaine en termes psychiatriques ? L'ouvrage de Freud "Psychopathologie de la vie quotidienne" est un titre précurseur de cette tendance aujourd'hui bien établie à décrire le fonctionnement psychique en termes de déficits. Naturellement cette psychiatrie-là suit simplement le mouvement d'une médecine qui elle-même tend à médicaliser tous les aspects de l'existence humaine, à réguler dès lors par contrôle biochimique (médicamenteux). Il ne faut négliger la part d'intérêt économique qu'il y a dans l'introduction du langage médical dans notre vie quotidienne. 

Ici il ne s'agit pas de nier l'existence des maladies mais de considérer qu'il y a une part de conditions qui franchissent cette limite entre le normal et l'anormal pour de mauvaises raisons. Certaines conditions sont considérées comme des "maladies" du fait du langage utilisé pour les décrire, de l'intérêt économique que cela peut représenter de le faire, mais aussi et surtout, du fait de l'incapacité à les comprendres et les gérer socialement et individuellement. Dès lors la tendance est de penser que c'est d'ordre médical.  

Dans ce contexte le cas et la place de l'EFT (et consorts) rend la chose très intéressante d'un point de vue épistémologique (théorie de la connaissance).  Ce qu'il y a de révolutionnaire avec l'avénement de l'EFT c'est qu'elle nous donne un moyen fiable d'influencer directement notre moi émotionnel. Du coup la gestion des émotions tendant à passer par toutes sortes d'expressions comportementales causant des problèmes socio-relationnels ou par la répression émotionnelle causant plutôt des désordres somatiques ou mentaux peut cesser en partie. La pratique de l'EFT nous apprend que c'est plutôt la conséquence de cette mauvaise gestion des émotions qui a été décrite dans beaucoup de cas comme des "troubles mentaux". Et donc la prise en charge s'est limitée pendant très longtemps à modifier uniquement les comportements et le pensées en aval des émotions, c'est-à-dire en étant toujours sous leurs influences. 

Avec les méthodes de désensibilisation (TFT, EFT, TAT,EMDR, etc) nous avons désormais une influence directe sur l'émotion et donc la possibilité d'effacer (sous et dans certaines conditions) ses conséquences sur le corps, l'esprit et le comportement. Et paradoxalement, là où l'application de ces méthodes est la plus compliquée et requière l'intervention d'un tiers expérimenté, c'est lorsque nous sommes trop enlisés dans les conséquences de la mauvaise gestion de nos émotions. Mais en soi notre activité émotionnelle n'est pas quelque chose d'anormal et ne relève pas de la médecine en-tant-que telle. 

Lorsqu'une émotion survient, elle nous indique qu'un besoin est satisfait ou non par ce que nous vivons. Il s'agit surtout de prendre ce besoin en considération et d'agir par voie de  conséquence pour le satisfaire sans être forcément influencé par l'émotion qui nous a indiqué sa présence et son dégré d'urgence. Même chose lorsqu'il s'agit d'une émotion issue du passée. Notre esprit cesse de poursuivre la satisfaction du besoin au travers des situations semblables à la situation d'origine désormais obsolète et finit par se mettre à jour. En agissant ainsi directement sur l'émotion l'EFT travail véritablement en amont des conséquences d'une gestion inadéquate. Et toute la démarche d'investigation consiste à retrouver cet avant l'apparition de l'effet, avant l'apparition du "symptôme", dit en terme médical. 

On comprend ici à quel point le langage utilisé peut poser problème et comment la technique elle-même est susceptible de faire reculer la limite épistémiologique entre le normal et l'anormal. Elle donne le pouvoir d'intervenir sur une cause qui en soi ne relève pas d'une médecine, qui elle reste au niveau de la prise en charge et la gestion d'effets, qui eux sont considérés et décrits comme des "troubles mentaux".  Alors forcément lorsque nous faisons de l'EFT avec le vocabulaire de la médecine et de la psychiatrie en général, cela pose des problèmes de territoires en plus de celui posé par cette conception : - "La mauvaise gestion des émotions provoque des désordres physiques, affectifs et comportementaux qui sont susceptibles de disparaître lorsqu'elles sont gérées par l'EFT".  Naturellement tout ceci ne concerne pas les troubles physiques, mentaux et comportementaux qui ne proviennent pas d'émotions mal gérées. Et on écarte cela en consultant un médecin ou un psychiatre apte à poser un diagnostique. 

Avec l'EFT on utilise un principe de fonctionnement situé à un niveau d'organisation plus en amont et donc cela se répercute de fait sur tous ceux qui travaillent avec d'autres techniques plus en aval de notre constitution. Parfois les deux peuvent être complémentaires, mais parfois cela est parfaitement inutile de gérér en aval ce qui peut être résolu en amont. Ceci explique pourquoi les praticiens de certaines disciplines bien installées peuvent être très véhéments et résister à la nouveauté.  

La question du statut social de l'EFT dépend de son usage mais aussi du langage. La technique agit sur l'émotivité, un aspect central de l'existence humaine présent et impliqué dans tous les domaines de notre vie. C'est pourquoi elle s'avère être une technique très polyvante et peut autant intervenir dans notre existence quotidienne, dans ce que nous avons comme déficience que dans notre recherche d'excellence. De par sa nature extrêment polyvalente elle peut autant être et devenir une technique médicale, psychothérapeutique, de coaching mais elle existe avant tout cela. Elle tend cependant à se confondre avec la "psychothérapie" du fait qu'historiquement le fait de mener une introspection dans le but de modifier notre fonctionnement vers un mieux-être a été qualifier de "psychothérapie", même dans le contexte où nous ne souffrons pas pour autant de "maladie mentale". Nous voyons ici à quel point la notion de maladie s'est historiquement imiscée jusque dans l'intimité de nos émotions désagréables car dans l'esprit des gens s'en libérer c'est suivre une psychothérapie et implicitement cela signifie "guérir."

Youri Badel, voiron 2019 

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