Une petite polémique de plus dans le petit monde de l’EFT.
Peut-on concevoir l’EFT comme une espèce de gomme ? Et si oui, qu’est-ce qu’elle peut effacer ?
Naturellement, il s’agit d’une métaphore à visée pédagogique pour expliquer la fonction majeure de l’EFT : la désensibilisation émotionnelle. Mais il faut bien entendu contextualiser ce dont il est question lorsque l’on parle de libération des émotions. L’EFT ne fera pas de nous un être sans émotion. Cela ne nous libère pas de l’être émotionnel que nous sommes mais plus exactement du fait de garder l’émotion éprouvée à un moment donné ancrée au souvenir de celui-ci.
L’émergence d’une émotion dépend de la volonté que nous projetons dans notre environnement et de ce que nous y percevons effectivement. Elle nous informe qualitativement et quantitativement du rapport de conformité entre les deux, nous incitant le cas échéant à agir jusqu’à obtenir un rapport positif. C’est un système de feedback qui nous permet de nous adapter à notre condition ou d’adapter notre condition. En cela, ça nous ne l’effacerons jamais avec l’EFT.
Lors du processus de mémorisation, l’émotion éprouvée va s’ancrer au souvenir de l’événement qui l’a provoquée en rapport avec notre volonté du moment. Ce souvenir va désormais tendre à s’assimiler à tout nouvel événement, reconnu comme semblable, et à réactiver l'émotion ressentie lors de ce moment passé mais dans notre rapport au présent. Ce phénomène de remémoration automatique de l’émotion s'engendre par le lien de similitude qui s’établit entre souvenir et perception. Il s’agit d’un conditionnement émotionnel, et c’est précisément de cela dont l’EFT nous libère (dans son application première).
A ce niveau l’EFT va dissoudre l’émotion qui s'est associée à ce que nous avons vu, entendu et touché lors d’un événement passé. Elle va littéralement gommer cette émotion, et même la pensée qui l’accompagnait, du souvenir sensoriel de l’événement. Nous pouvons nous remémorer les images et les sons de l’événement mais nous n’éprouverons plus l’émotion, ni ne repenserons cette pensée. Ceci va également affecter la définition du souvenir dans son format sensoriel. Il nous semblera plus transparent, perdra en intensité. Néanmoins en poussant le processus plus loin, en l’appliquant aux détails visuels et auditifs, il est possible de faire disparaître cette représentation sensorielle du souvenir.
Tout ce qui reste est l’information sous une forme cognitive. Nous savons avoir vécu ceci, mais nous ne percevons plus ce que nous avions perçu. La modalité sensorielle du souvenir a disparu, gommé. Ceci est compréhensible dans la mesure où il est établit que nos souvenirs ne seraient pas de fidèles copies des événements d’origines mais des reconstructions. Autrement dit, notre système de représentation sensorielle interne reconstruit les scènes que nous avons vécues à partir d’une information dont ignore tout de la localisation et du format d'origine. Les différents aspects d’un souvenir seraient « stockés » dans divers airs du cerveau, fonctionnants en réseau les unes avec les autres. Peut-être faut-il se limiter à considérer que chacune de ses différentes airs sont uniquement spécialisées dans la reconstitution sensorielle de la scène d’origine.
En thérapie comportementale et cognitive on parle de cet "effet gomme" en-tant-qu’extinction du conditionnement. Lors qu’un réflexe conditionné ou opérant n’est plus renforcé par la répétition celui-ci tend à s'éteindre et à disparaître.
Nous pouvons rapporter ceci à deux fonctions fondamentales de l’esprit et qui peuvent avoir lieues dans le rapport global entre conscience et mémoire : « se remémorer » et tout simplement « oublier ». Si l’EFT gomme quelque chose c’est en nous permettant d’oublier. Pas dans le sens où l’on arrive plus à se souvenir d'une information dont on voudrait se rappeler. Oublier plutôt dans le sens où l’on cesse de reconstruire le souvenir ou de reproduire automatiquement l'information dans notre esprit. "Oublier" dans le sens d'une extinction du conditionnement, faisant qu'un souvenir tend à se reconstruire sans cesse et de façon automatique dans un rapport entre stimulus-réponse. Nos souvenirs nous reviennent de deux façons : - soit volontairement en sollicitant notre mémoire avec notre intention, soit involontairement en nous exposant à des stimulus.
Ce schéma résume le mécanisme général et le fait que nous puissions gommer le ressenti et le souvenir perçu mais plus rarement le su, sauf dans certaines formes d’amnésie où la personne ne sait même plus ce qu’elle a fait ou de maladie comme Alzheimer. L’oubli a tout à voir avec la rupture ou l’extinction du processus circulaire de rappel et de renforcement du conditionnement.
Ceci débouche sur une conception qui se pratique déjà, plus particulièrement en PNL, où finalement toutes les ressources et possibilités se trouvent dans la mémoire conçue comme un réservoir. Le travail de notre conscience consistant à se connecter à certaines et à se déconnecter d’autres. Il y a ce que je choisis de me rappeler et ce que je choisis d’oublier, qu’il s’agisse de percevoir, savoir, ressentit ou comportement. Mais il est difficile de réduire l’activité de la conscience à ce seul processus qui est surtout lié à la partie automatique de nous-même, et dont est tributaire notre conscience mais qu’elle est seule responsable et capable de mettre à jour. Notre partie fonctionnelle, celle qui fait qu’une émotion émerge du rapport entre ce que voulons et percevons, déterminant comment agir pour les unir, cette partie là et ce qu’elle produit en nous, nous n'y échappons pas. Et elle constitue la source naturelle de nos conditionnements émotionnels qui sont comme des projets existentiels avortés, en attente de reprise ou d'abandon.
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